Catherine Bodmer

DESCRIPTION DES PHOTOGRAPHIES (sélection)

Déplacer des montagnes, 2003/04
Série de cinq photographies avec textes et série de cartes postales
Impressions au jet d’encre, 117 cm x 172 cm

Une série de cinq photographies montre des amas de neige sale qui s’amoncèlent un peu partout en ville pendant l’hiver. À Montréal, la neige représente une matière encombrante qui est repoussée et évacuée après chaque tempête. À ces monticules de neige sale, l'artiste attribue les noms de véritables montagnes situées dans son pays d'origine (Mont Cervin, Mont Pilate, Monte Verità, etc.). À partir d'une collection de faits historiques et de vieilles légendes qui entourent ces lieux, des extraits de textes sont insérés discrètement dans les images - un peu comme des notes de bas de page. Ils proposent une lecture parallèle soulevant tantôt les croyances mystiques du Moyen-âge, tantôt l’obsession de la conquête des sommets et la notion du sublime dans l’ère du romantisme; ou encore, l’écroulement des utopies du 20ème siècle. Faisant allusion au voyage, au déplacement et aux souvenirs, une série de cartes postales avec images et légendes est intégrée dans l'exposition et offerte aux visiteurs.

Lacs, 2005
Série de cinq photographies avec textes et série de cartes postales
Impressions Lambda, 127 cm x 188 cm

Faisant suite à la série Déplacer des montagnes, l'artiste continue à documenter les terrains vagues de son quartier en mettant cette fois-ci l’accent sur les grandes flaques d’eau qui se forment lors de la fonte des neiges. Dans l’optique de confronter la désolation et la banalité de ces terrains délaissés à un paysage spectaculaire et mythique, l'artiste suggère une fusion entre les deux univers en manipulant subtilement les images, leur offrant un nouvel horizon, une nouvelle perspective. À ces images, elle attribue des légendes des Alpes traitant de rumeurs sur des créatures étranges et malveillantes qui vivent dans les profondeurs des lacs et des étangs. On entend des bruits, grondements, claquements et chuchotements; on perçoit des odeurs; on trouve des traces inexplicables, des ossements et du désordre. Une série de cartes postales avec images et légendes est intégrée dans l'exposition et offerte aux visiteurs.

Narcisse, 2008, diptyque
Impressions au jet d'encre, 30 cm x 30 cm
Eden, 2009, diptyque
Impressions au jet d'encre, 30 cm x 30 cm
La bande de Moebius I-III, 2008-2009, série de diptyques
Impressions au jet d'encre, 56cm x 56cm

Une bande d’amis saute dans une flaque d'eau, s'arrose avec un boyau, circule en vélo dans un parc ou encore en patin sur un lac gelé - autant de sujets qui évoquent le jeu et l'insouciance qu'une certaine mélancolie. Avec ce corpus qui réunit plusieurs oeuvres, l'artiste explore les relations entre l'image et l'imagination, entre le réel et la fiction. Grâce à des manipulations numériques, elle dédouble et renverse les sujets créant des espaces ambigus où coexistent plusieurs temporalités. Les personnages circulent ainsi d’une image à l’autre, adoptant des postures différentes dans un contexte immuable. Les effets de symétrie engendrés sont aussi saisissants que trompeurs, des repères rassurants qui finissent en pièges confondant le regard qui s’y attarde. Le travail sur le double et le reflet engage une réflexion sur le monde comme apparence, ce que les images de l'artiste soulignent paradoxalement en étant lisses et détaillées, comme si leur contenu était vrai. La métaphore du ruban de Moebius, évoquée dans le titre de trois des oeuvres, suppose cependant qu’une seule et même surface subsiste, sans distinction entre l’envers et l’endroit, entre la chose et sa représentation.

Paysage approximatif, 2008 (en cours)
Série de trois diptyques, impressions au jet d'encre, 33 cm x 42 cm
Et diverses esquisses et études

La série Paysage approximatif prend comme point de départ l'installation Réservoir, un dispositif de 150 bouteilles d’eau contenant des plantes aquatiques qui y sont cultivées. Durant l’exposition de l'oeuvre Réservoir, l'artiste a commencé à documenter les transformations des plantes - processus qu'elle a poursuivi dans son atelier pendant plusieurs mois en y reconstituant une partie de l'installation. S’intéressant au glissement d’échelle qui s'opère lorsque l'on regarde par les trous des bouteilles, où vie intérieure et monde extérieur se confondent, l'artiste joue avec la perspective et la profondeur de champ afin de créer une illusion d'espace et de continuité. De ces images de paysages artificiels et idéalisés se dégage une ambiance calme et sereine. Cherchant à circonscrire des mondes imaginaires, magnifiés, les images montrent des paysages qui demeurent dans le lointain, hors de notre porté.

Mexico D.F., 2010-2012 :

Camellones, série de plusieurs triptyques et diptyques
Impressions au jet d'encre, 56 cm x 56 cm
Rio Churubusco (Circuito interior), série de douze photographies
Impressions au jet d'encre, 45 cm x 45 cm
Casas, série de plusieurs diptyques
Impressions au jet d'encre, 45 cm x 45 cm

Le corpus d’œuvres intitulé Mexico D.F. (détails), découle de deux résidences que l'artiste a réalisées dans la ville de Mexico en 2010 et en 2011. Répondant à une idée initiale de montrer - dans une ville qui abonde de gens et de choses - la nudité (ou le vide) d’un lieu, l'artiste dirige son attention vers des espaces qu'elle qualifie d’entre-deux : les terre-pleins routiers, les terrains vacants, les toits-terrasses de maison. Pour les séries, Rio Churubusco et Camellones, l’artiste utilise comme point de départ les terre-pleins centraux surnommés « Camellón » qui divisent les voies de circulation des grandes artères routières. Elle s’attarde à ces parcelles en divisant à son tour ses propres images pour les dédoubler comme un jeu de miroirs, produisant de multiples variations du même sujet. La même stratégie est employée dans la série Casas, où l'artiste documente les toits-terrasses des gens rencontrés. En multipliant et reconfigurant les espaces qu'elle découvre, l'artiste leur soustrait une définition fixe et affirme l'impossibilité de les représenter objectivement. Le paradoxe de ces images réside dans leur rapport (a)symétrique au paysage urbain qui, évacué de son agitation habituelle, semble à première vue paisiblement équilibré. Toutefois, en s'attardant à ces compositions minutieusement retravaillées, le regard est piégé dans des incongruïtés et obligé à se renouveler constamment. Ces compositions qui jumellent symétrie naturelle et artificielle, renvoient à l’ordre apparent du projet de la modernité, mais accentuent du même coup ses signes d'épuisement.

305 Bellechasse (inventaire), 2015-2016 (titre de travail) :

Montecharge, série de huit photographies
Impressions au jet d'encre, 76 cm x 76 cm
Sortie, série de quatre photographies
Impressions au jet d'encre, 61 cm x 61 cm
Axe Est-Ouest, série de dix photographies
Impressions au jet d'encre
Axe Nord-Sud, série de cinq diptyques
Impressions au jet d'encre

La série, 305 Bellechasse, dresse une sorte d’inventaire de l’édifice Catelli à Montréal, ancienne usine de pâtes alimentaires, qui abrite aujourd’hui des ateliers d’artistes et des locaux de petites entreprises. Apparaissant comme un bloc unifié de l’extérieur, l’immeuble se dévoile comme une véritable construction vernaculaire à l’intérieur, où toutes sortes d’ajouts et modifications architecturales témoignent des différents usages à travers le temps. En appliquant une grille imaginée qui divise l’édifice selon différents axes, à l’horizontale et à la verticale, l'artiste entreprend une sorte d'étude comparative qui l'amène à scruter jusqu'au moindre détail, morceau par morceau, les lieux de passage de l'immeuble tels les corridors, le monte-charge et la cage d'escalier. Porté par un sentiment de désorientation et de fragmentation, ce travail cherche à traduire une expérience d'un lieu singulier et s'inscrit dans une préoccupation plus large qui concerne la vulnérabilité de ces structures face aux forces néfastes de la spéculation immobilière et ses effets d’uniformisation.

Les paradis de Granby, 2014-2015
Projet d'art infiltrant, collection de 41 cartes postales (Fig. 1-41) et blogue :  lesparadisdegranby.blogspot.ca

Intitulé Les paradis de Granby, ce projet explore le thème du jardin. Espace à la fois domestique et symbolique, le jardin devient une “interface” pour la réflexion sur nos relations avec la nature et la culture, avec le vivant. Mettant en rapport les courants de pensée qui animent les pratiques de l’art actuel et ceux qui façonnent le jardin vernaculaire (le processus, l'expérimentation, la réciprocité), l'artiste collabore avec cinq jardiniers et jardinières de Granby et observe l’évolution de leurs jardins tout en documentant les nombreux échanges avec eux. La période de l'hors-saison (octobre à mai) est privilégiée pour observer le jardin dans sa temporalité et dans ses aspects esthétiques les moins spectaculaires. Au fil des rencontres, photographies, images trouvées, littérature, croquis, écrits personnels, anecdotes, souvenirs, connaissances, plantes, bulbes et semences sont échangés entre l’artiste et les participants. Un blogue accompagne le processus pendant toute la durée du projet et aboutit avec la réalisation et la dissémination d'une collection de 41 cartes postales.

Souvenirs (Recollection), 2017, série de 38 photographies (Fig. 42-79)
Dimensions variables
Diaporama / dissémination sur Facebook

La série Souvenirs présente une collection d’objets issus du processus d’échange et de collaboration qui était au coeur du projet Les paradis de Granby. (Dans celui-ci, l’artiste a collaboré avec un groupe de jardiniers et jardinières pour observer et documenter l’évolution de leurs jardins). Les objets – des cadeaux, trouvailles et inspirations – correspondent à des souvenirs de moments précis, vécus lors des nombreuses visites de jardins et rencontres. Pour l’artiste, ils témoignent d’une expérience informée par des gestes de générosité et de partage, d’une relation intime avec le vivant. Placés sur des fonds colorés, les objets sont photographiés un par un. La numérotation des images est inspirée d’ouvrages de références telles les encyclopédies, cherchant à “expliquer” le monde en organisant et en synthétisant les connaissances. Empruntant l’apparence de méthodes scientifiques, l’artiste questionne la fonction de la documentation et sa capacité ou non de donner accès à une expérience subjective. Basculant entre objectivité et subjectivité, la série Souvenirs se veut une oeuvre ouverte suggérant son évolution permanente.

Les images ont été diffusées sur Facebook, une par jour pendant 38 jours, un peu comme un diaporama lent. Chaque “souvenir” a été dédié et envoyé à une personne selon des associations libres, créant ainsi un lien temporaire avec un groupe croissant de suiveurs. Les 38 “souvenirs” sont rassemblés dans un album photos sur le profil FB de l’artiste.

Allée Royale I, 2016, série de quatre photographies
Impressions au jet d'encre, dimension variable
Allée Royale II, 2016, série de huit photographies
Impressions au jet d'encre, 51 cm x 51 cm

Les séries Allée Royale I et II prennent comme point de départ le jardin collectif du même nom que l’artiste visitait régulièrement pendant un an. S'intéressant à la dimension expérientielle et à la temporalité du jardin, l'artiste s'inspire de l'hors-saison pour sonder plus loin ce qui se cache derrière les concepts et les images d'une nature souvent idéalisée, magnifiée. Dans leurs états dénudés, les jardins donnent à voir autre chose; les formes squelettiques des plantes au repos, les structures de soutien et les clôtures mises à nu, les abris délaissés. En jumelant plusiers points de vue d'un même sujet et en superposant ou multipliant des sections d’images, l'artiste se concentre sur les principes de simultanéité, de transparence et d'opacité. Le montage d'images laisse perceptible les différentes couches, génèrant des axes verticales et horizontales qui se démarquent subtilement du fond. Des effets de dédoublement accrochent le regard et le ramènent à la surface de l'image où chaos et géométrie s'entremêlent. En privilégiant des tons gris-argentés et en jouant avec leurs densités, l'artiste invite le regard à traverser l'image et met l'accent sur le bruissement de la végétation, sur sa sensualité.

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